Il s’agit d’une association phare du roman, qui a permis de changer les mentalités des citoyens du monde dans le sens d’une plus grande confiance en eux et en ce qu’ils peuvent accomplir sans l’encadrement ou le support des gouvernements.
La société initiale de l’histoire ressemble à la notre, où une grande méfiance des citoyens vis-à-vis des gouvernants s’est installée à cause de leur incompétence ou leur impuissance à gérer les problèmes graves du moment liés à l’activité humaine débridée telle que la déforestation, la destruction du paysage naturel, la construction urbaine démesurée, l’exploitation animale à outrance, la consommation effrénée. Le climat changeait, la santé des citoyens se dégradait, des maladies nouvelles apparaissaient, les espèces animales disparaissaient, la sonnette d’alarme était régulièrement tirée, mais les intérêts financiers étaient manifestement plus bruyants aux oreilles des décideurs.
De 2020 à 2030, plus de deux milliards de personnes sont mortes à cause de l’incurie des hommes. Une grande partie du monde est devenue inhabitable d’une part à cause de la sécheresse, d’autre part à cause de la hausse du niveau des mers et océans de 50 cm changeant irrémédiablement le dessin des côtes. Des millions de personnes ont fui leur habitat et ont été abandonnées à leur sort pendant plusieurs années. Des traités de coopération ont été signés entre les pays du Nord et du Sud pour accueillir une partie des réfugiés climatiques, mais pas assez et de toute façon dans des conditions d’hygiène insuffisantes. Le début des années 2030 a vu un frémissement citoyen global se mettre en place faute de réaction suffisante de la part des états. La confiance envers la politique avait totalement disparu.
En février 2030, Leila Oliveira (Angola) et Yannet Abebe (Ethiopie) se rencontrent lors d’une mission humanitaire au Soudan. Elles faisaient partie du personnel de gestion d’une organisation non gouvernementale. Elles ont très vite sympathisé et, partageant les mêmes désirs d’action pour le changement, ont décidé de lancer une « bouteille à la mer » sur les réseaux sociaux les plus fréquentés de l’époque. En bref, elles proposaient de créer un groupe international citoyen de réflexion en vue de mettre sur pied des actions concrètes de grande envergure pour changer de paradigme de société, le but étant la décroissance intelligente, comme ce que beaucoup d’intellectuels éclairés proposaient déjà depuis une vingtaine d’années. Elles faisaient d’ailleurs toutes deux partie de groupes de réflexion sur la décroissance mais il fallait aller au-delà des réflexions et des propositions, il fallait trouver des moyens de forcer l’action à grande échelle.
Un très grand nombre de personnes ont manifesté leur intérêt et quelques unes se sont avérées très actives dans leurs groupes locaux. Assez rapidement un petit conseil de quinze personnes s’est constitué pour dresser un état des lieux des groupes de réflexion et d’actions déjà en place à travers le monde, avec en toile de fonds l’établissement d’un réseau d’information et de diffusion de savoirs et savoir-faire divers, avant l’établissement de plans d’actions possibles sans l’aval des gouvernements trop occupés à se faire réélire.
La gestion des groupes était coordonnée par ces quinze personnes en fonction des zones : l’Afrique était du ressort de Malek Saad (Libye), Yannet Abebe (Ethiopie), Désiré Issifou (Bénin) et Leila Oliveira (Angola), l’Asie dépendait de Omid Qurban (Afghanistan), Chingis Batbayar (Mongolie), Shanti Patel (Inde), Hiromi Kimura (Japon), l’Amérique du Nord concernait Connor Tremblay (Canada) et Juan Romero (Mexique), l’Amérique du Sud et centrale étaient gérées par Veronica Diaz (Pérou), Cami Ortiz (Uruguay), Vitor Vieira (Brésil), l’Europe et l’Océanie étaient supervisées par Greta Eriksson (Suède) et David Lee (Autralie). Remarquons que les personnalités les plus actives se sont révélées provenir en grande partie des zones moins industrialisées.
Cette association internationale s’est déclarée sous l’appellation « Notre Destin » dès le 1er janvier 2032 et s’est dotée d’une charte, de statuts, d’un Règlement d’Ordre Intérieur (ROI), le tout n’ayant aucune valeur légale puisque ne dépendant d’aucun état, mais devant être respecté par tout qui désirait en faire partie.
Elle s’est très vite structurée en groupes plus locaux, chacun responsable de l’avancement de leurs réflexions et actions. Ils aidaient à créer des ASBL proposant des actions très bien définies. Une des grandes forces de cette association résidait dans le charisme et le dynamisme de ses quinze fondateurs. Comme ils avaient beaucoup de difficultés à être pris au sérieux par les media principaux, ils ont manifesté le plus souvent possible à l’endroit où se tenaient des événements bien couverts par ces media, ont inondé les réseaux sociaux, ont couvert beaucoup d’espaces publicitaires avec des banderoles très travaillées et très humoristiques.
Après une campagne de levée de financements participatifs, ils ont acheté du temps d’antenne télévisuelle sur les chaînes d’information les plus regardées.
L’association a gagné en reconnaissance et dès 2034, une partie non négligeable d’écoles et de collèges faisaient appel à ses membres pour des séminaires et des débats. Sa popularité croissante allait de pair avec le sentiment des peuples d’être abandonnés par leurs gouvernants formant une classe d’élites dans leur tour d’ivoire.
Dès le début des années 2040, grâce notamment, mais pas uniquement, aux études indépendantes menées par les ASBL qui s’étaient créées et aux actions fructueuses qui s’étaient développées, il était devenu évident pour la majorité des citoyens qu’il était obligatoire de changer fondamentalement de mode de vie. Ce qui avait changé ce n’était pas le constat, car il était connu depuis des décennies, mais c’était la prise de conscience par la majorité des gens, et plus seulement par une petite partie de personnes concernées.
À la fin des années 2040, des maladies graves ont surgi, en relation avec la consommation de viande, et plus d’un milliard de personnes sont mortes. Le support permanent à la population des adhérents de Notre Destin a permis à beaucoup de gens de se grouper et se prendre en main, avant que les gouvernements ne finissent par réagir et proclamer une interdiction absolue de consommer de la viande d’animaux vertébrés (mammifères, poissons, reptiles, batraciens, etc.) et d’animaux aquatiques pour une durée de cinq ans, à dater du premier janvier 2050.
L’année 2082 restera dans les mémoires comme l’année du jubilé de Notre Destin qui sera fêté partout dans le monde, et particulièrement dans les villes de naissance des quinze cofondateurs:
Notre Destin continue ses actions d’information, de structuration des protestations et manifestations, d’encadrement des réalisations citoyennes, etc. Cette association internationale a insufflé un vent de collaboration et un esprit de coopération général dans la population, ce qui a aussi permis de faire baisser considérablement le niveau de désarroi des gens.
Les membres fondateurs ont rédigé un livre sur son histoire: Notre Destin, sa raison d’être et son histoire. Il a été publié le 15 mai 2075.